Peut-on forcer la communication du rapport de l'expert en sinistre?

Il arrive souvent que l’assuré ne soit pas satisfait de la décision de sa compagnie d’assurance en cas d’un sinistre. Celle-ci peut refuser son indemnisation si elle considère que les faits du sinistre appartiennent aux exclusions de la police d’assurance. L’assureur s’appuie sur un rapport d’expertise qu’il n’accepte pas de communiquer à son assuré en invoquant le caractère confidentiel et privilégié de ces rapports. Que dit la loi au Québec dans cette situation?

Peut-on forcer la communication du rapport de l'expert en sinistre?

Le 6 mars 2012, la Cour d’appel a affirmé que « l’assureur ne pouvait être contraint de communiquer à la partie adverse le rapport d’enquête des agents d’investigation et des experts en sinistre mandatés par lui.» Il n’est donc pas possible de forcer la communication du rapport de l’experte en sinistre.

Selon cette confirmation, le privilège relatif au litige s'applique au rapport d’expertise d’assurance. Ce privilège est une exception du principe de la divulgation complète de la preuve et il offre une protection contre la communication d’un rapport ou de documents dans le cadre du litige.

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Les fondements juridiques du caractère confidentiel des rapports des enquêteurs et experts en sinistre

Les articles 397 et 398 du Code de procédure civile au Québec stipulent qu’une partie peut accéder à tout renseignement pertinent en la possession de la partie adverse ou d’un tiers, sauf si le document est juridiquement protégé contre la divulgation. C’est notamment le cas du secret professionnel et du privilège relatif au litige.

Dans le cas du rapport de l’expert mandaté par une compagnie d’assurance, le caractère confidentiel ne réfère pas au secret professionnel. La Cour d’appel affirme que l’immunité de divulgation fondée sur ce principe ne concerne pas les enquêteurs et les experts en sinistre. Elle explique que la collecte des informations, son analyse et sa communication à l’assureur afin de lui permettre de prendre une décision éclairée ne peuvent pas être considéré comme un secret professionnel, car:

  • Il n’existe pas une loi qui oblige la confidentialité dans ce type de professions.

  • Les informations obtenues dans le rapport ne le sont pas à l’occasion d’une relation d’aide et dans un intérêt exclusif de celui qui l’a communiqué.

La confidentialité du rapport d’un expert en sinistre mandaté par l’assureur relève plutôt du privilège de non-divulgation relatif à un litige dont l’objectif est de fiabiliser le processus contradictoire en assurant la préparation privée des arguments de chaque partie sans l’ingérence de la partie adverse. Ce privilège est donc temporaire et se termine en même temps que le litige qui leur a donné lieu.

Les conditions pour bénéficier du privilège de non-divulgation

Pour que le privilège soit applicable, il doit remplir certaines conditions. Uniquement les documents préparés principalement en vue d’un litige sont confidentiels. Il suffit donc que le but de la préparation de documents ait été principal sans être exclusif.

Le privilège de non-divulgation ne se limite pas aux échanges entre l’assureur et son avocat. Il concerne également les communications entre l’avocat et un tiers mandaté par son client, ainsi que celles entre le client qui n’est pas encore représenté et le tiers mandaté par lui. De même, le privilège peut s’appliquer à un document qui n’a pas encore été transmis à l’avocat de l’assureur.

La Cour d’appel souligne que le rapport d’experts en sinistre remplit ces conditions « lorsqu’il sert d’outil à l’assureur dans la conduite de sa cause ». C’est généralement le cas où l’assureur demande un rapport d’expertise pour accepter ou refuser l’indemnisation de son assuré.

Peut-on renoncer au caractère confidentiel du rapport d’expert en sinistre?

Il est possible qu’un assuré ou un tiers puisse renoncer le privilège relatif au litige, notamment lorsque la compagnie d’assurance, ses mandataires ou ses procureurs:

  • Produisent ou communiquent le rapport;

  • Invoquent l’existence et le contenu de ce rapport dans un acte de procédure;

  • Dévoilent des informations du rapport qui sont au profit de l’assureur;

  • Ont recours au rapport pour justifier la décision ou la bonne foi de l’assureur.

Cette renonciation doit être volontaire, claire et évidente. La jurisprudence québécoise s’oriente vers la restriction de la portée du privilège dans la mesure où elle fait « obstacle à la liberté de la preuve et à la découverte de la vérité ».

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L’affaire producteurs agricoles c. Union canadienne

La compagnie d’assurance Union canadienne a refusé en 2012 d’indemniser des producteurs agricoles d’un montant de 2 254 000 $ suite à des dommages causés par un incendie. Les intimés ont demandé la communication des rapports d’experts en sinistre et du rapport d’enquête d’une agence d’investigation. La compagnie d’assurance a refusé de communiquer ces rapports en invoquant le caractère confidentiel de ces documents.

Le juge de première instance a décidé d’exclure le caractère privilégié dans ce cas puis a ordonné la divulgation des informations et les déclarations écrites contenues dans ces rapports. Il s’est basé sur le fait que les assurés avaient le droit de savoir pourquoi l’assureur avait tardé à exprimer sa décision en ce qui concerne la validité de la police d’assurance.

L’Union canadienne a alors eu recours à la Cour d’appel. Cette dernière a accepté les objections de la compagnie d’assurance en considérant que les documents préparés répondent aux conditions relatives au principe du privilège relatif au litige. La Cour d’appel a affirmé que les documents réclamés ont été commandés par l’assureur en vue de servir d’argument dans le déroulement de la procédure de la défense.

La communication du dossier de l’assureur dans le cas de la recevabilité d’une réclamation

Contrairement au rapport d’expertise, le privilège relatif au litige ne s’applique pas aux communications entre les différents services d’une compagnie d’assurance sur la recevabilité d’une réclamation.

En 2016, la Cour supérieure a rejeté l’objection de la compagnie d’assurance AIG Canada basée sur le privilège relatif au litige à la communication d’informations internes qui porte sur la décision de couvrir ou non la réclamation de l’assuré (Solmax International Inc.). La Cour d’appel a réaffirmé que l’objet principal des documents doit être la préparation du litige pour mettre en œuvre le privilège, même s’ils peuvent contenir des renseignements utiles dans le cadre du litige.

La Cour d’appel fait une distinction majeure entre un rapport préparé aux fins d’un litige qui permet à l’assureur de prendre une décision et un rapport préparé aux fins de recevabilité d’une réclamation.

Que doit contenir un rapport d’expert en sinistre?

Les principales fonctions de l’expert en sinistre sont:

  • L’identification des causes du sinistre;

  • La validation de la protection mentionnée dans le contrat d’assurance;

  • La prise en compte du rapport de police et d’autres renseignements pertinents tels que l’inventaire des biens endommagés ou volés;

  • La rédaction de la déclaration de l’assuré et celle des témoins éventuels;

  • L’évaluation des dommages et des pertes subies.

Vous pouvez faire appel à un expert en sinistre public à vos frais surtout dans le cas d’un sinistre majeur. L’expert public mandaté par l’assuré ne peut pas régler le sinistre, mais il peut négocier avec l’expert mandaté par l’assureur pour arriver à un compromis.

Toutefois, l’expert public est limité dans les interventions qu’il peut mener pour son client. En effet, rédiger et notifier des mises en demeure et poursuite judiciaires, formuler des avis juridiques et conseiller en droit un assuré constituent des actes réservés aux avocats. Voilà pourquoi nous recommandons aux assurés insatisfaits du traitement de leur réclamation de contacter un avocat.

Besoin d’assistance juridique?

Le privilège relatif à un litige est une exception de la règle de divulgation, c’est pourquoi il doit être utilisé de manière restrictive. Si vous jugez que vous êtes victime d’un emploi abusif de ce principe auprès de votre compagnie d’assurance, vous pouvez faire affaire avec un avocat en assurance pour défendre vos droits.

À titre d’exemple, certains prétendent que l’évaluation des dommages par un estimateur n’est pas couverte par le privilège relatif au litige, puisque celle-ci n’est pas réalisée dans le but d’aider l’assureur à prendre position quant à la réclamation de son assuré.

Nos avocats spécialisés dans les litiges de droit d'assurance maîtrisent les règles qui vous permettent de renoncer le caractère confidentiel du rapport d’expert en sinistre de votre compagnie d’assurance. Ils sont également en mesure de négocier la valeur d’indemnisation avec l’expert de l’assureur et de vous représenter devant toutes les instances judiciaires provinciales pour obtenir le dédommagement que vous méritez.

Maître Maxime Ouellette et son équipe vous proposent des honoraires abordables calculés en fonction d’un pourcentage de votre indemnisation.

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