Niveau de preuve pour les assurances invalidité

En cas de litige avec un assureur concernant une assurance invalidité, la question du niveau de preuve occupe une place centrale dans le débat. L'assureur peut-il démontrer que l'assuré est capable de travailler à temps partiel ou d'exercer un autre type d'emploi afin de démontrer qu'il n'est pas invalide et ainsi confirmer sa décision de ne pas verser d’indemnités ?

Dans un premier temps, les décisions antérieures des tribunaux établissent clairement que lorsqu'un assureur reconnaît l'invalidité d'un assuré en lui versant des prestations, tout arrêt soudain de ces paiements doit être justifié de manière adéquate. Il convient toutefois de noter que cette règle ne s'applique pas dans les cas où la couverture d'assurance évolue de temporaire à permanente.

Par ailleurs, il est évident que l'assuré doit consentir aux examens médicaux requis par la compagnie d'assurance. De plus, l'assuré peut démontrer son incapacité à occuper tout emploi rémunérateur compatible avec celui qu'il exerçait avant son invalidité, ou lui permettant de générer un revenu similaire à celui de son emploi précédent. La jurisprudence dominante soutient que le niveau de preuve requis en faveur de l'assuré concernant son incapacité à exercer tout emploi doit être souple et libérale.

Il est donc crucial pour l'assuré de collaborer avec l'assureur en fournissant les informations médicales nécessaires et en se conformant aux exigences médicales établies. De même, il est recommandé à l'assuré de recueillir des preuves solides de son incapacité à travailler dans tout emploi rémunérateur compatible avec ses capacités, afin de renforcer sa position en cas de litige.

En somme, la résolution des litiges liés à l'assurance invalidité repose souvent sur la capacité de l'assuré à fournir des preuves convaincantes de son incapacité à travailler, en conformité avec les exigences légales et contractuelles, tout en coopérant avec l'assureur dans le processus de traitement de la réclamation.

Voici des passages de la jurisprudence confirmant cette position :

« Ce fardeau se limite toutefois à « établir, preuve médicale à l’appui, que son état de santé est tel qu’il est devenu incapable d’exercer une occupation rémunératrice qui corresponde à ses acquis professionnels,

[…]

Il doit exister une certaine connexité́ entre le travail proposé et le travail actuel de l’adhérent, de même qu’une rémunération ou un profit comparable. Bref, l’occupation rémunératrice doit être comparable en termes d’intérêt professionnel et de rémunération.

[…]

À ce stade-ci, le Tribunal est d’opinion que le demandeur démontre, de façon suffisamment probante et étoffée, qu’il est incapable d’occuper un emploi correspondant à ses aptitudes et dont la rémunération soit équivalente à celle reliée à son ancien emploi. Conséquemment, il revient à la défenderesse d’établir l’existence d’emplois comparables que peut occuper le demandeur. »[1]

« [...] le tribunal arrive à la conclusion que si le demandeur est incapable d’accomplir régulièrement un travail, ce que, à tout le moins, la prépondérance de la preuve médicale établit, il doit être considèré comme invalide totalement au sens de la police. 

[…] 

Un emploi peut être compatible avec une condition physique seulement si on peut l’exercer régulièrement et pas uniquement théoriquement. »[2]

« Cette invalidité́ substantielle à exercer « tout autre emploi » selon les termes de cette clause ou des termes équivalents, a été interprétée de façon libérale de telle sorte que cet autre emploi doit pouvoir assurer au participant, un revenu raisonnable en comparaison au revenu qu’il gagnait auparavant. Il doit aussi s’agir « d’un travail régulier permettant à l’assuré de gagner sa vie ». Enfin, le participant doit être capable de fournir une pleine prestation de travail (travail à temps plein), un effort régulier et continu »[3]

« Aux fins de démontrer cette incapacité́, l’on n’exige pas la démonstration d’une incapacité́ absolue d’exercer quelque emploi que ce soit :

De cette doctrine et jurisprudence, nous tirons les principes suivants :

-  Le travail dont il s’agit ne doit pas être un travail quelconque, mais doit être en rapport avec l’instruction, la formation et l’expérience de l’assuré;

-  Le travail doit procurer une rémunération comparable au revenu antérieur;

-  Il doit y avoir « affinité́ » entre l’emploi antérieur et l’assuré et il doit s’agir d’un travail régulier permettant à l’assuré de gagner sa vie;

-  Invalidité totale s’entend dans le sens d’une invalidité́ substantielle;

-  En cas de controverse entre les experts, le Tribunal doit retenir le témoignage de la victime elle-même;

-  La détermination de l’invalidité́ est une question juridique. »[4]


[1] Boutin c. Union-Vie Mutuelle, 2019 QCCS 2991, par. 21, 24 et 35

[2] Joseph Guitard c. La compagnie d’assurance standard life, 2004 CanLII 49396, par. 126 et 132

[3] Boucher c. Industrielle Alliance, assurances et services financiers, 2022 QCCS 2147, par. 113

[4] Chapleau c. Industrielle Alliance, assurances et services financiers inc., 2020 QCCS 903, par. 66

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