Confidentialité des offres de règlement: Morissette c. Poirier (2025 QCCS 2291)

Il arrive régulièrement que nos clients nous demandent d’utiliser les discussions de règlement afin de démontrer que l’assureur n’est pas convaincu de sa cause puisqu’il tente de la régler.

Dans le même esprit, certains clients nous indiquent qu’ils ne veulent pas être les premiers à présenter des offres de règlement puisque cela démontre une faiblesse.

Or, la négociation repose sur plusieurs techniques propres à cette étape et jusqu’à un certain point, ces discussions relèvent plus de l’art que d’une mécanique appliquée uniformément à chaque dossier.

Quoi qu’il en soit, ultimement les négociations entreprises afin de mettre un terme à une réclamation sont confidentielles et ne seront jamais portées à la connaissance du tribunal, donc il n’a aucune crainte que le juge soit contaminé par celles-ci.

Le jugement rendu par la Cour supérieure en mars 2025 dans l’affaire Morissette c. Poirier, illustre bien les contours du privilège relatif aux règlements et les limites de son application.

Contexte

Louis Morissette, Véronique Cloutier et la Fondation Véro et Louis poursuivent Luc Poirier en diffamation et atteinte à la réputation, lui réclamant plus de 2 millions $. Poirier aurait affirmé publiquement que Morissette recevait un cachet lors d’événements de financement pour sa Fondation.

Au stade préliminaire, Poirier demande la radiation de certaines allégations contenues dans la demande introductive d’instance, notamment parce qu’elles concerneraient des discussions de règlement présumées confidentielles (art. 169 C.p.c. et art. 2853.1 C.c.Q.).

Le principe du privilège relatif aux règlements

Le Tribunal rappelle que ce privilège existe pour favoriser les discussions franches et ouvertes en vue d’un règlement amiable.
Quatre conditions doivent être réunies :

  1. Un litige né ou éventuel;

  2. Des échanges visant à régler ce litige;

  3. Une intention présumée de confidentialité;

  4. L’absence de transaction conclue.

Lorsqu’il est établi, ce privilège entraîne la non-divulgation des communications protégées.

Application au cas d’espèce

Poirier invoquait la confidentialité de deux gestes :

  • Un message privé envoyé sur Instagram à Morissette où il propose un « stunt » pour promouvoir la Fondation;

  • Une démarche confiée à la firme National afin de « mettre le couvert sur la marmite » et calmer la situation suite à ses propos.

Le Tribunal rejette cet argument :

  • Le simple fait qu’un message soit « privé » ne suffit pas à établir une intention de confidentialité;

  • Le mandat donné à National visait davantage une stratégie de communication/marketing qu’un véritable règlement de litige;

  • L’absence d’implication d’un avocat et de mention claire de discussions de règlement fragilise encore plus l’argument.

Ainsi, la confidentialité présumée n’a pas été démontrée, et les allégations ne sont pas radiées.

 

Enseignement principal

Le privilège s’applique même sans clause écrite de confidentialité ni mention « sous toutes réserves ». L’essentiel est de démontrer que les parties avaient réellement l’intention de régler leur différend.

Cette décision illustre qu’il ne suffit pas d’invoquer après coup la confidentialité pour soustraire certaines communications à la procédure judiciaire.

  • La confidentialité doit découler clairement du contexte : formulation employée, rôle des intervenants (avocat, médiateur), indices manifestes que les démarches visaient à régler un différend.

  • Une stratégie de relations publiques ou un simple geste d’apaisement ne sont pas automatiquement protégés par le privilège relatif aux règlements.

 

Résumé pratique

  • Le privilège relatif aux règlements existe pour protéger la franchise des négociations et favoriser les ententes.

  • La preuve d’une intention de confidentialité est essentielle pour qu’il s’applique.

  • Dans Morissette c. Poirier, les communications reprochées relevaient davantage d’un stunt médiatique que de véritables pourparlers de règlement.

  • Résultat : les allégations contestées demeurent au dossier, et il appartiendra au juge du fond d’en apprécier la pertinence.

En somme, la décision rappelle que le principe de confidentialité ne peut être invoqué à la légère : seules de véritables discussions de règlement, menées avec une intention claire et dans un cadre approprié, seront protégées.

 

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